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SOPK : l’inhibition de l’hormone anti-müllérienne, un nouvel espoir thérapeutique face à l’infertilité féminine

Les résultats d'une étude, menée par une équipe française, publiés dans la prestigieuse revue Cell Metabolism le 11 avril 2025, ouvrent des perspectives inédites pour le traitement du SOPK et de l’infertilité féminine associée.

Le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) représente un défi majeur pour la santé reproductive féminine, se positionnant comme la première cause d’infertilité chez les femmes en âge de procréer. Affectant environ 7 à 10 % des femmes, cette pathologie endocrinienne complexe se caractérise par un déséquilibre hormonal aux conséquences multiples : troubles de l’ovulation, hyperandrogénie (excès d’hormones mâles), et souvent, des complications métaboliques significatives telles que l’insulinorésistance, le diabète de type 2, l’obésité et un risque accru de maladies cardiovasculaires.

Bien que des traitements existent, ils se limitent principalement à la gestion des symptômes individuels – qu’il s’agisse de l’hirsutisme, de l’acné ou des troubles du cycle – sans s’attaquer aux mécanismes fondamentaux de la maladie, dont les causes demeurent encore partiellement élucidées. Cependant, une lueur d’espoir émerge des laboratoires de recherche. Récemment, une équipe de scientifiques de l’Inserm, du CHU de Lille et de l’université de Lille a franchi une étape significative en démontrant, chez des modèles murins, le potentiel d’une nouvelle approche thérapeutique ciblant l’hormone antimüllérienne (AMH). Les résultats de cette étude, publiés dans la prestigieuse revue Cell Metabolism le 11 avril 2025, ouvrent des perspectives inédites pour le traitement du SOPK et de l’infertilité féminine associée.

Comprendre le SOPK : un puzzle hormonal complexe

Pour appréhender la portée de cette avancée, il est essentiel de revenir sur les mécanismes physiopathologiques complexes qui sous-tendent le SOPK. Le syndrome est défini par la présence d’au moins deux des trois critères de Rotterdam :

  • Troubles de l’ovulation : Caractérisés par une raréfaction (dysovulation) ou une absence totale d’ovulation (anovulation), se manifestant par des cycles menstruels irréguliers et longs (supérieurs à 35-40 jours) voire une aménorrhée (absence de règles). Ces perturbations sont une cause majeure d’infertilité chez environ la moitié des femmes atteintes. Il est important de noter que, malgré une ovulation irrégulière, une grossesse spontanée reste possible et une contraception demeure nécessaire en l’absence de désir d’enfant.
  • Hyperandrogénie : Un excès d’hormones androgènes, principalement la testostérone, se traduit cliniquement par un hirsutisme (pilosité excessive dans des zones typiquement masculines) touchant environ 70 % des patientes, de l’acné, et parfois une alopécie (chute de cheveux). L’hyperandrogénie peut également être mise en évidence par des dosages biologiques révélant des taux élevés de testostérone et/ou d’androstène-dione dans le sang.
  • Ovaires d’aspect polykystique à l’échographie : L’examen échographique pelvien révèle la présence de multiples petits follicules ovariens immatures (au moins 20 follicules de diamètre inférieur à 9 mm) répartis en périphérie de l’ovaire, et/ou un volume ovarien augmenté (supérieur à 10 ml), en l’absence de kyste ou de follicule dominant. Cette morphologie ovarienne est due à un blocage de la maturation folliculaire, possiblement lié à un excès d’hormone antimüllérienne (AMH) produite par ces petits follicules en croissance. Il est crucial de souligner que la présence d’ovaires polykystiques à l’échographie seule ne suffit pas au diagnostic de SOPK et peut être observée chez des femmes ne présentant aucun autre symptôme.

Le diagnostic du SOPK repose donc sur une combinaison de ces critères, après exclusion d’autres pathologies pouvant entraîner des symptômes similaires, telles que des maladies génétiques surrénaliennes ou des tumeurs ovariennes ou surrénaliennes. Un bilan biologique, réalisé en début de cycle menstruel, permet d’évaluer les taux d’hormones telles que la FSH (hormone folliculo-stimulante), la LH (hormone lutéinisante), la prolactine, la testostérone, l’androsténedione, le 17 hydroxyprogestérone, l’œstradiol et la TSH (hormone thyroïdienne), ainsi que la glycémie pour évaluer le risque d’insulinorésistance. Chez les femmes atteintes de SOPK, les résultats montrent souvent des taux de FSH et LH normaux ou une LH augmentée, une élévation modérée des androgènes, et un bilan hormonal généralement normal pour le reste, permettant d’écarter d’autres diagnostics.

L’origine exacte du SOPK demeure multifactorielle, impliquant une interaction complexe de facteurs génétiques, épigénétiques et environnementaux. Bien qu’une vingtaine de gènes de prédisposition aient été identifiés, ils n’expliqueraient qu’une faible proportion des cas. L’existence d’antécédents familiaux de SOPK constitue cependant un facteur de risque significatif, suggérant un rôle important de facteurs épigénétiques, qui modulent l’expression des gènes sans altérer la séquence d’ADN. L’obésité peut également exacerber les symptômes du SOPK chez les femmes prédisposées, l’excès d’insuline favorisant la production d’androgènes et la dysovulation. Des perturbateurs endocriniens environnementaux sont également suspectés de jouer un rôle, bien que des preuves définitives manquent à ce jour.

L’hormone antimüllérienne (AMH) au cœur de la nouvelle piste thérapeutique

Dans ce contexte complexe, l’étude menée par l’équipe de Paolo Giacobini a mis en lumière le rôle crucial de l’hormone anti-Müllérienne (AMH) dans la physiopathologie du SOPK. L’AMH est une glycoprotéine produite principalement par les cellules de la granulosa des petits follicules ovariens en croissance. Son rôle principal est d’inhiber la croissance excessive des follicules et de limiter la sensibilité des follicules à la FSH, contribuant ainsi à la sélection d’un seul follicule dominant lors du cycle menstruel.

Or, chez les femmes atteintes de SOPK, les nombreux petits follicules bloqués dans leur développement produisent une quantité excessive d’AMH. Cette surproduction d’AMH est suspectée de jouer un rôle clé dans le maintien du blocage de la maturation folliculaire et dans la perturbation de la régulation des hormones gonadotropes au niveau du cerveau, notamment la LH. Des études antérieures avaient déjà suggéré qu’une exposition fœtale à des taux élevés d’AMH pourrait augmenter le risque de développer des symptômes du SOPK plus tard dans la vie.

L’équipe de recherche lilloise a exploré plus en détail l’impact de l’AMH à une période postnatale précoce cruciale appelée la « mini-puberté ». Cette phase transitoire, observée chez tous les mammifères, se déroule peu après la naissance et est caractérisée par une activation de l’axe hypothalamo-hypophyso-gonadique, entraînant une augmentation de la production d’hormones sexuelles et préparant l’organisme à la fonction de reproduction future. Les chercheurs ont administré des injections d’AMH à des souris durant cette période critique de leur développement postnatal (entre le 2ème et le 14ème jour après la naissance). De manière significative, les souris ayant reçu ces injections d’AMH ont développé à l’âge adulte des symptômes caractéristiques du SOPK, tels que l’infertilité et des troubles métaboliques entraînant une prise de poids. Ces résultats ont confirmé que l’exposition à des taux élevés d’AMH durant la mini-puberté représente également une période à risque pour le développement du SOPK.

Forts de ces observations, les chercheurs ont émis l’hypothèse que le blocage de l’activité de l’AMH pourrait non seulement prévenir l’apparition des symptômes du SOPK, mais également les traiter chez des individus déjà atteints. Pour tester cette hypothèse, ils ont développé un nouvel anticorps monoclonal, nommé Ha13, spécifiquement conçu pour bloquer les récepteurs de l’hormone antimüllérienne présents dans les ovaires et sur les neurones produisant la GnRH (Gonadotropin Releasing Hormone), l’hormone hypothalamique clé dans la régulation des fonctions de reproduction.

Des résultats précliniques prometteurs chez la souris

L’efficacité de cet anticorps bloquant l’AMH a été évaluée dans deux groupes de souris :

  • Un premier groupe de souris a reçu les anticorps Ha13 durant leur mini-puberté (entre le 10ème et le 15ème jour après la naissance).
  • Un second groupe de souris adultes, présentant déjà des symptômes comparables à ceux du SOPK, a également reçu le traitement par l’anticorps Ha13.

Les résultats obtenus ont été particulièrement encourageants :

  • Chez les souris ayant reçu le traitement pendant la mini-puberté, l’administration des bloqueurs d’AMH a eu un effet préventif remarquable. Ces souris n’ont pas développé les principaux symptômes du SOPK à l’âge adulte, suggérant que le blocage de l’AMH durant cette phase critique du développement pourrait empêcher l’établissement de la pathologie.
  • Chez les souris adultes présentant déjà des symptômes de type SOPK, le traitement par l’anticorps Ha13 a permis d’observer une régression significative des symptômes. Les cycles menstruels, l’ovulation et les taux d’androgènes sont revenus à des niveaux normaux, indiquant une amélioration potentielle de la fertilité chez ces animaux.

Ces résultats précliniques soulignent le rôle central de la signalisation de l’AMH dans le développement et la progression du SOPK chez ce modèle animal. Le blocage de l’AMH, que ce soit de manière préventive durant la mini-puberté ou thérapeutique à l’âge adulte, a démontré un impact positif sur les principaux aspects de la maladie, notamment les troubles de la reproduction et les déséquilibres hormonaux.

Implications thérapeutiques et perspectives d’avenir

Bien que ces résultats aient été obtenus chez des modèles murins, ils ouvrent des perspectives thérapeutiques considérables pour les femmes atteintes de SOPK. L’approche consistant à cibler l’excès d’AMH représente une stratégie novatrice qui pourrait s’attaquer aux causes profondes de la maladie plutôt qu’à ses seuls symptômes.

Cependant, les chercheurs soulignent que l’administration d’un tel traitement durant la mini-puberté chez l’être humain n’est pas envisageable dans l’immédiat. En effet, le diagnostic du SOPK n’intervient généralement qu’après l’apparition des premières règles, et des recherches supplémentaires sont nécessaires pour évaluer les conséquences à long terme d’un blocage de l’AMH à un stade aussi précoce du développement.

Néanmoins, le développement d’anticorps ciblant le récepteur de l’AMH représente une piste thérapeutique prometteuse pour le traitement des troubles liés au SOPK chez les femmes adultes. Si les résultats obtenus chez la souris se confirment chez l’humain, une telle thérapie pourrait potentiellement améliorer significativement la fertilité, régulariser les cycles menstruels, réduire l’hyperandrogénie et, par conséquent, atténuer les risques métaboliques associés au SOPK.

L’équipe de recherche prévoit de reproduire ces expériences auprès de femmes adultes souffrant de SOPK afin de confirmer l’intérêt de cette approche thérapeutique chez l’humain. Ces essais cliniques seront cruciaux pour évaluer l’efficacité et la sécurité d’un traitement ciblant l’AMH dans cette population de patientes.

Parallèlement, les scientifiques ont déposé un brevet via Inserm Transfert, la filiale de l’Inserm chargée de valoriser les innovations issues de ses laboratoires de recherche. Cette démarche témoigne du potentiel translationnel de cette découverte et ouvre la voie à un développement futur de cette nouvelle classe de médicaments.

Un pas important vers un traitement étiologique du sopk

L’étude menée par les chercheurs de l’Inserm, du CHU de Lille et de l’université de Lille constitue une avancée majeure dans la compréhension et le traitement potentiel du syndrome des ovaires polykystiques. En démontrant le rôle clé de l’hormone antimüllérienne non seulement dans le développement mais aussi dans le maintien des symptômes du SOPK chez un modèle murin, et en prouvant l’efficacité d’un anticorps bloquant l’AMH pour prévenir et inverser ces symptômes, cette recherche ouvre une nouvelle ère thérapeutique.

Bien que des étapes importantes restent à franchir, notamment la confirmation de ces résultats chez l’humain à travers des essais cliniques rigoureux, cette découverte offre un espoir tangible pour les millions de femmes touchées par le SOPK et confrontées aux défis de l’infertilité et aux complications métaboliques associées. Le ciblage de l’AMH pourrait à terme représenter une approche thérapeutique étiologique, s’attaquant aux mécanismes fondamentaux de la maladie et améliorant significativement la qualité de vie et la santé reproductive des femmes concernées. La communauté scientifique et les patientes attendent avec impatience les résultats des futures études cliniques qui valideront, ou non, le potentiel de cette nouvelle piste thérapeutique.

Source
Inserm (Salle de presse). (2025, 11 avril). SOPK : une nouvelle piste thérapeutique contre l’une des principales causes d’infertilité féminine.Preventing and Correcting Polycystic Ovary Syndrome by Targeting Anti-Müllerian Hormone Signaling in Minipuberty and Adulthood in Mice. Cell Metabolism.

Yasmine Achour

Yasmine Achour est la rédactrice en chef de Medtech France, où elle met à profit son expertise en communication et sa passion pour la santé mentale, la santé de la femme, et la technologie. Elle transforme les idées innovantes des entrepreneurs en santé en messages percutants, visant à amplifier leur impact dans le domaine de la santé.

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