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Lettre Ouverte : Télésurveillance médicale en France, l’ambition numérique freinée par les blocages administratifs

La lettre ouverte du Snitem alerte sur le blocage administratif qui freine le développement de la télésurveillance médicale en France, malgré l'ambition politique affichée, illustrée par des exemples concrets d'applications menacées

Quatre ans après l’approbation présidentielle du remboursement de la télésurveillance médicale, la France peine à concrétiser son ambition de devenir un leader du numérique en santé. Malgré un potentiel clairement affiché, notamment au lendemain du sommet sur l’intelligence artificielle, une lettre ouverte du Snitem (Syndicat national de l’industrie des technologies médicales) datée du 31 mars 2025 alerte sur une situation critique. L’administration française est accusée de rester sourde aux injonctions politiques, entravant le déploiement à grande échelle de solutions numériques de télésurveillance pourtant prometteuses.

Les espoirs étaient grands : une amélioration de la qualité de vie des patients, une optimisation des soins, une réorganisation du système de santé, et le développement d’une filière de santé numérique française forte, capable de pallier les déserts médicaux. Cette vision d’une “révolution” numérique se heurte aujourd’hui à la réalité de décisions administratives jugées obsolètes et inadaptées.

Le nœud du problème réside dans les critères d’évaluation et de remboursement des solutions numériques. Selon la lettre ouverte, les critères actuels sont “dépassés, conçus pour la médecine d’hier”. Le passage au numérique représente un changement de paradigme qui exige une vision d’avenir et une acceptation de l’évolution des pratiques, tant pour les médecins et les patients que pour les décideurs publics. Le Snitem souligne que le numérique en santé ne peut être enfermé dans un cadre rigide ignorant sa spécificité et son fonctionnement propre.

Un point crucial soulevé est le décalage entre les évaluations cliniques et organisationnelles traditionnelles et les retours de terrain des utilisateurs. La lettre ouverte questionne pourquoi privilégier des évaluations dont les limites en vie réelle sont connues, au détriment des témoignages et de l’adoption massive par les patients et les professionnels de santé. Le risque de priver des millions de Français de solutions efficaces et déjà utilisées, sans équivalent, est ainsi pointé du doigt.

Si la Liste des activités de télésurveillance médicale (LATM) a vu le jour, elle est jugée insuffisante. De nombreuses technologies éprouvées, ayant souvent bénéficié d’un financement étatique précoce, sûres et plébiscitées par les professionnels de santé et les patients, se heurtent à un “mur” administratif. Cette situation est qualifiée de “gabegie”, avec pour conséquence des patients privés de solutions améliorant leur quotidien, des soignants frustrés et un secteur qui peine à se développer.

La lettre ouverte cite deux exemples concrets de solutions françaises de télésurveillance récemment affectées par les décisions administratives :

  • OdySight, une application de télésurveillance ophtalmologique développée par Tilak. Cette solution, utilisée par plus de 20 000 patients en France depuis 2018 et proposée par plus d’un ophtalmologiste sur cinq, affiche un taux de satisfaction patient de 71% et un effet positif sur le suivi du patient constaté par 83% des prescripteurs. Ayant fait l’objet d’une expérimentation réussie dans le cadre de l’Article 51, soutenue par la Sécurité Sociale et ayant reçu un avis favorable des comités gouvernementaux (CTIS et CSIS), OdySight est aujourd’hui menacée d’arrêt après son exclusion de la LATM si des solutions économiques alternatives ne sont pas trouvées d’ici l’été 2025. Il s’agit de la seule solution de télésurveillance ophtalmologique actuellement disponible en France.
  • Moovcare, une application de télésurveillance oncologique développée par Sivan Innovation. Cette solution a démontré une augmentation de 7,6 mois de l’espérance de vie des patients atteints d’un cancer du poumon et une amélioration de leur qualité de vie. Première solution de télésurveillance remboursée avec une Amélioration du Service Attendu (ASA) de niveau III, elle avait été félicitée par le président de la République en 2020 et présentée comme un exemple de réussite. Cependant, elle a été déremboursée en 2025 après l’étude de son dossier en télésurveillance, faute d’un déploiement suffisant en raison d’événements extérieurs tels que la crise COVID et la non-prise en charge de l’acte. La conséquence immédiate est que les patients atteints d’un cancer du poumon ne disposent aujourd’hui d’aucune alternative pour mieux prendre en charge les risques de récidive.

Cette situation est jugée “insupportable et inacceptable” pour les patients et les professionnels de santé, qui voient leurs espoirs de soins et de qualité de vie s’envoler. La lettre ouverte insiste sur l’impératif de revisiter le dispositif de remboursement et d’intégrer pleinement le numérique dans le système de santé, sans compromettre le niveau de sécurité attendu. Il est également souligné l’urgence de traduire l’ambition politique en actes concrets, avec une administration au service de cette ambition et non l’inverse.

Le Snitem, à travers cette lettre ouverte signée par sa présidente Laurence Comte-Arassus et son directeur général Eric Le Roy, appelle à une action rapide et concrète pour les patients, les soignants et les entreprises du secteur. Fondé en 1987, le Snitem représente plus de 600 entreprises françaises et internationales, y compris celles impliquées dans le numérique en santé, et se positionne comme l’interlocuteur privilégié des pouvoirs publics dans ce domaine.

Cette missive alerte sur un fossé grandissant entre l’ambition affichée de la France dans le domaine de la santé numérique et la réalité des freins administratifs qui entravent son développement. La télésurveillance médicale, malgré son potentiel prouvé, peine à se déployer à grande échelle, laissant patients et professionnels de santé dans l’expectative d’un changement de cap urgent.

Source
[Lettre ouverte] Innovations et télésurveillance médicale : l’administration française sourde aux injonctions politiques

Yasmine Achour

Yasmine Achour est la rédactrice en chef de Medtech France, où elle met à profit son expertise en communication et sa passion pour la santé mentale, la santé de la femme, et la technologie. Elle transforme les idées innovantes des entrepreneurs en santé en messages percutants, visant à amplifier leur impact dans le domaine de la santé.

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