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Comment les innovations dans la biotech, medtech et healthtech stimulent le diagnostic, la prédiction et la prévention ?

Les avancées fulgurantes dans les domaines de la biotechnologie, de la technologie médicale et de la santé numérique révolutionnent en profondeur le paysage de la santé.

Ces innovations, en offrant des outils de diagnostic plus précis et plus rapides, de prédiction plus fiable et de prévention plus personnalisée, transforment radicalement la manière dont nous abordons les maladies. De la détection précoce des cancers grâce aux biomarqueurs à la prédiction des risques cardiovasculaires par l’analyse de données génétiques, ces nouvelles technologies offrent des perspectives inédites pour améliorer la santé publique. Entretien avec Philippe Turk.

De manière générale, comment percevez-vous l’impact des innovations sur le diagnostic, la prédiction et la prévention en santé ?

En 50 ans à peine, la médecine s’est complètement transformée, et elle continue de se transformer. L’impact principal est un gain de temps considérable pour le diagnostic et la détection précoce de maladies. Ce que l’on observe aujourd’hui, c’est aussi une amélioration dans la rationalisation de la prise de décision : alors qu’auparavant, un médecin prenait une décision principalement basée sur un examen clinique, les professionnels de santé disposent aujourd’hui de plus de données, ce qui leur permet de prendre en charge les patients avec beaucoup plus de précision.

Comment les nouvelles technologies en medtech transforment-elles les méthodes de diagnostic médical ?

L’arrivée de nouvelles technologies en medtech a permis de longue date de créer des nouvelles spécialisations. Les traitements ont également évolué grâce à une technologie de plus en plus pointue, notamment grâce à l’IRM qui permet de visualiser des détails auparavant inaccessibles, ce qui améliore considérablement la précision des diagnostics. Toujours dans l’imagerie, on revient à la question de volume de données : quand un scanner peut générer 1200 images par minute, un outil intelligent qui peut analyser ces données permettra aux radiologues d’arriver à des résultats d’analyse tout simplement impossible auparavant.

Quels sont, selon vous, les dispositifs ou technologies de diagnostic les plus révolutionnaires de ces dernières années ?

Les tests de dépistage sont de plus en plus rapides. Nous l’avons vu avec le COVID : un test de dépistage avec des résultats en 24 ou 48h a un impact sur le délai de prise de décision et la gestion entière d’une épidémie. Bien entendu l’imagerie médicale a radicalement changé la pratique médicale. Mais les applications basées sur l’IA vont continuer de nous surprendre.

Les outils d’IA et de machine learning permettent aujourd’hui de prédire des issues cliniques. Pouvez-vous nous expliquer comment cela fonctionne et quels en sont les principaux bénéfices ?

Les outils d’IA et de machine learning permettent de traiter d’énormes quantités de données médicales pour identifier des tendances et prédire des issues cliniques avec une précision et rapidité accrue. Les possibilités d’intégrer n’importe quel ensemble et type de données accessibles promettent encore certainement d’autres prouesses. Cependant, l’IA ne fait que reproduire des modèles basés sur des données existantes ; elle ne remplace pas le jugement clinique. Un « cerveau médical » est toujours nécessaire pour interpréter les résultats et prendre les bonnes décisions. Ces technologies sont particulièrement utiles pour le suivi à long terme des patients, notamment pour les maladies chroniques.

L’utilisation des biomarqueurs et des signatures moléculaires est en pleine expansion. Quels sont les développements récents dans ce domaine et leur impact sur le diagnostic précoce des maladies ?

L’essor des biomarqueurs et des signatures moléculaires a ouvert de nouvelles perspectives dans le diagnostic précoce des maladies. Ces nouveaux savoirs permettent d’affiner notre compréhension des pathologies. Par exemple, les marqueurs tumoraux ont considérablement amélioré le suivi des cancers, tandis que des avancées similaires se profilent dans le domaine des maladies neurodégénératives. La capacité à détecter précocement des cancers à partir d’une simple goutte de sang ou d’un test urinaire montre bien ce potentiel.

Les technologies de séquençage de nouvelle génération (NGS) ont révolutionné le diagnostic génétique. Quels sont les principaux défis à surmonter pour intégrer ces technologies dans la pratique clinique courante ?

Aujourd’hui, le principal défi consiste à s’assurer que l’intégration de NGS pour l’homme est justifiée par un besoin bien identifié. Il s’agit là d’un défi culturel et sociétal : il est crucial de ne pas recourir au séquençage des patients sans un objectif médical clair, au risque d’entraîner des attentes irréalistes quant à la capacité à prédire le futur. La génétique clinique va ainsi devenir un domaine de plus en plus essentiel pour pondérer ces analyses et pour fournir un contexte médical approprié aux résultats. En dehors de la recherche fondamentale, ces technologies sont grandement utilisées en oncologie, par exemple pour la caractérisation des tumeurs.

Dans quelle mesure les innovations technologiques contribuent-elles à une meilleure prévention des maladies chroniques ?

Les innovations technologiques permettent une détection précoce, et ainsi une meilleure prise en charge. Plus une maladie est identifiée tôt, meilleures sont les chances de la traiter efficacement, ce qui peut considérablement réduire les complications à long terme. Toutefois, n’oublions pas que de nombreuses maladies chroniques sont dues à un style de vie (alimentation, stress, sédentarité), auquel cas le meilleur outil de prévention reste la sensibilisation et des recommandations adaptées à chaque cas spécifique.

Comment les technologies portables, comme les wearables, les capteurs ou les applications mobiles, participent-elles à la prévention active des maladies ?

Ces technologies ont un potentiel pour la prévention active des maladies, mais elles posent des défis réglementaires. Actuellement, les données collectées par des dispositifs qui ne sont pas validées cliniquement, ne peuvent pas être utilisée pour établir un diagnostic médical. Les fabricants de dispositifs médicaux, dont certains wearables validés, certifiés « dispositifs médicaux », sont dans l’obligation de réaliser des évaluations de leurs produits. Ceci explique pourquoi les médecins ne peuvent pas utiliser la smartwatch du patient dans son évaluation clinique. Or les couts des dispositifs médicaux peuvent être très supérieurs ce qui limite leurs utilisations à un suivi clinique, c’est-à-dire dans le cadre d’une prescription par un médecin, et dans le cadre de la prise en charge du patient. En conséquent on ne parle pas de première identification d’une pathologie avec ces outils, leur usage est principalement dans le suivi, techniquement il faut bien distinguer prévention primaire (conseil aux populations, diagnostic systématique de population à risque) et secondaire (suivi de patients pour un risque défini).

Voyez-vous un potentiel dans l’utilisation de la génomique personnalisée pour la prévention des maladies ? Quels en sont les obstacles actuels ?

L’utilisation de la génomique personnalisée offre un potentiel considérable pour la prévention des maladies, notamment en permettant une approche plus ciblée et adaptée des soins. Cependant, cette approche doit être utilisée de manière raisonnée et nécessite une expertise en génétique clinique pour interpréter correctement les résultats et les intégrer dans un contexte médical pertinent. Il sera crucial de bien gérer les attentes autour de la prédiction des maladies, qui doivent être réalistes et fondées sur des besoins médicaux clairement identifiés.

Comment les modèles algorithmiques basés sur l’analyse de données omiques (génomique, transcriptomique, protéomique) permettent-ils de prédire des maladies complexes telles que les cancers ou les maladies neurodégénératives ?

Ces technologies permettent de traiter et analyser des quantités massives de données issues de diverses sources, comme des prises de sang, des analyses d’urine et des images médicales. Toutefois, malgré la sophistication de ces outils, leur efficacité repose sur la capacité à interpréter ces données de manière cohérente et à les contextualiser pour chaque patient. Même les technologies les plus avancées nécessitent l’intervention d’un médecin ou d’un soignant pour croiser, analyser et interpréter l’information de manière globale, en conservant ainsi le rôle central de « cerveau unique » dans le processus de décision.

Comment ces innovations modifient-elles la relation entre les patients et les professionnels de santé ?

Traditionnellement, la médecine était centrée sur une approche réactive, où le patient consultait un médecin en cas de problème aigu. Dorénavant avec la digitalisation et l’accès accru aux informations de santé, les médecins devront être plus proactifs et préventifs, tandis que les patients sont plus informés, mais aussi pour certains plus anxieux. Ceci tend à entraîner une augmentation des sollicitations auprès des professionnels de santé. Ce changement engendre de nouveaux défis, notamment la gestion des flux de patients, et la distinction entre une situation d’urgence réelle et des inquiétudes parfois excessives. Il devient donc essentiel de renforcer la transparence et la confiance dans la relation soignant / patient, tout en aidant le grand public à mieux comprendre le sens et les objectifs des diagnostics et dépistages.

Comment les médecins intègrent-ils ces nouvelles technologies dans leur pratique quotidienne ? Y a-t-il des réticences à surmonter ?

Les médecins, en général, sont demandeurs de ces nouvelles technologies lorsqu’elles sont intégrées de manière raisonnée dans leur pratique quotidienne. Cependant, un paradoxe subsiste : bien qu’ils reconnaissent la valeur ajoutée de ces innovations, ils peuvent aussi se plaindre de l’augmentation des sollicitations qu’elles engendrent. Cette complexité souligne la nécessité d’un cadre pour résoudre ces interrogations, et c’est précisément l’objet de la Healthcare Week Luxembourg : explorer les avantages et défis des avancées technologiques et définir comment naviguer parmi cette profusion de nouvelles possibilités.

Voyez-vous un risque de dépendance excessive aux technologies dans la pratique clinique ?

Tout dépend de ce que l’on entend par dépendance excessive : ne sommes-nous pas tous dépendants de notre ordinateur ou smartphone aujourd’hui ? Tant que des nouvelles technologies apportent des améliorations concrètes, elles sont largement considérées comme bénéfiques. Il faut simplement savoir gérer et anticiper les risques de dysfonctionnement, mais c’est déjà le cas avec les technologies actuelles : s’il y a une panne de courant, un professionnel de santé saura malgré tout suivre le protocole de réanimation par exemple. La gestion des risques fait partie du management de toute institution de santé.

L’utilisation de l’IA et du Big Data en médecine pose des défis en matière de sécurité des données et de biais algorithmiques. Quels protocoles de validation et de sécurité recommandez-vous pour minimiser ces risques ?

Pour minimiser ces risques, il est crucial de s’appuyer sur le cadre réglementaire de l’Union Européenne, tout en renforçant la confiance du grand public envers ces réglementations.

Comment les dispositifs médicaux basés sur l’IA sont-ils régulés pour garantir leur sécurité et efficacité clinique ? La réglementation actuelle est-elle suffisante ?

Les dispositifs médicaux basés sur l’IA sont parfaitement encadrés par plusieurs règlements en particulier en regard de leurs performances et de la sécurité. Ils présentent une particularité importante, qu’on pourrait appeler « explainable AI », où il faut expliquer le processus décisionnel de l’algorithme. Pour garantir leur sécurité et efficacité clinique, les régulateurs exigent que les fabricants expliquent de manière claire et détaillée le fonctionnement et le raisonnement interne de ces systèmes. Cette exigence apporte bien entendu une couche de confiance supplémentaire.

Avec l’augmentation de l’utilisation des technologies connectées, comment gérez-vous le risque de cyberattaques sur les dispositifs médicaux et les données de santé ?

La gestion des risques de cyberattaques est une préoccupation majeure, elle fait d’ailleurs l’objet d’un chapitre entier dans la réglementation européenne. La gestion des risques passe notamment par des audits systématiques et des tests réguliers de la sécurité numérique des systèmes. La formation du personnel est également un facteur essentiel : les utilisateurs non sensibilisés sont une des sources principales de vulnérabilité.

Quels sont les obstacles à surmonter pour que ces innovations en matière de prévention soient accessibles à grande échelle ?

Les principaux obstacles sont les coûts élevés de ces technologies, mais aussi un manque de sensibilisation du grand public. Il est crucial de développer des stratégies de communication efficaces pour informer la population, et bien faire la distinction entre prévention primaire et secondaire.

Y a-t-il des aspects de la medtech que vous pensez sous-estimés ou qui méritent plus d’attention dans les discussions actuelles ?

Un aspect souvent sous-estimé est la nécessité de contextualiser les besoins en medtech pour chaque système de santé en fonction de sa propre situation – par exemple sa situation financière ou son modèle organisationnel. C’est alors une question de priorisation basée sur les besoins. Par ailleurs, l’intégration croissante de la santé au travail mérite plus d’attention. Influencée par le modèle américain, cette tendance voit les employeurs offrir de plus en plus de moyens à leurs employés pour prendre soin de leur santé, et pourrait, à l’avenir, représenter des opportunités pour la medtech.

Quelle serait votre vision idéale de lavenir en matière de santé grâce aux innovations en biotech, medtech, et healthtech ?

Une médecine et des soins de santé personnalisés qui apportent une valeur ajoutée au système, à ses professionnels, aux systèmes de santé, à l’industrie et aux entrepreneurs, mais surtout aux soignants et patients qui se retrouvent au cœur et au centre de l’attention dans cette révolution.

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