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Les déserts médicaux et la population vieillissante : une cause de manque d’attractivité ?

Si la pénurie de médecins dans les zones rurales est souvent évoquée comme un problème majeur, une question sous-jacente demeure : la population vieillissante est-elle une cause directe du manque d'attractivité des zones les plus touchées par les déserts médicaux ? Une chronique de Pascale Karila-Cohen

Les déserts médicaux représentent l’un des défis les plus pressants du système de santé français. Avec l’augmentation de la population vieillissante et la forte concentration des professionnels de santé dans les grandes agglomérations, une partie du territoire est désormais largement délaissée en termes de couverture médicale. Loin de se limiter à une simple question de géographie, cette problématique touche également les dynamiques sociales, économiques et démographiques du pays.

Si la pénurie de médecins dans les zones rurales est souvent évoquée comme un problème majeur, une question sous-jacente demeure : la population vieillissante est-elle une cause directe du manque d’attractivité des zones les plus touchées par les déserts médicaux ? Pour répondre à cette question, voici quelques facteurs qui influencent l’installation des médecins, la relation entre les besoins médicaux croissants des personnes âgées et les obstacles rencontrés par les jeunes praticiens, ainsi que les solutions proposées par des initiatives comme DOCNDOC, un collectif de médecins luttant contre les déserts médicaux.

Une population vieillissante : un défi de santé

Le vieillissement de la population en France est un phénomène bien documenté. Selon les projections de l’Insee, la proportion des personnes âgées de 65 ans et plus passera de 20% en 2020 à 30% en 2070, ce qui correspond à une augmentation inéluctable de la demande en soins médicaux. Ce phénomène est amplifié par l’augmentation des pathologies chroniques et des maladies neurodégénératives. Or, les régions les plus touchées par ce vieillissement sont précisément celles qui souffrent de la plus grande pénurie de médecins.

Dans les zones rurales ou périphériques, où les déserts médicaux sont les plus visibles, la population est souvent plus âgée que dans les grandes villes. Selon les chiffres de la DREES (Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques), environ 40% des personnes âgées de plus de 75 ans vivent en milieu rural. Ces territoires sont donc particulièrement vulnérables, car ils subissent à la fois le vieillissement démographique et la désertification médicale. Le manque de médecins dans ces régions crée une insuffisance de soins primaires et une difficulté d’accès à des services spécialisés, exacerbée par la demande accrue des personnes âgées.

Les personnes âgées ont en effet des besoins spécifiques en matière de soins : consultations régulières, suivi des maladies chroniques, soins palliatifs, etc. Cependant, en l’absence de médecins, de nombreux habitants sont contraints de se rendre dans des villes plus grandes et éloignées pour recevoir des soins, ce qui n’est pas sans conséquences, notamment en matière de délais d’attente et de problèmes d’accessibilité pour ceux qui ne peuvent pas se déplacer facilement.

Les jeunes médecins et l’attractivité des territoires

Un des éléments centraux du débat sur les déserts médicaux réside dans la difficulté à attirer de jeunes médecins dans les zones rurales. La question de l’attractivité de ces territoires pour les professionnels de santé, notamment pour les jeunes générations, est au cœur de la réflexion.

Les jeunes médecins privilégient souvent les grandes villes ou les zones urbaines, où les conditions d’exercice sont plus faciles : meilleures infrastructures, accès à la spécialisation, réseau de collègues, voire meilleures opportunités de carrière. Parallèlement, la situation des personnes âgées, leur prise en charge complexe et leurs besoins accrus en soins médicaux peuvent dissuader certains jeunes praticiens de s’installer en milieu rural.

La répartition géographique des médecins en France est déséquilibrée. Les grandes agglomérations concentrent la majorité des médecins, tandis que de vastes territoires ruraux, moins peuplés mais avec un vieillissement démographique plus marqué, se retrouvent sous-dotés. En conséquence, de nombreuses régions connaissent une pénurie de médecins, particulièrement dans les spécialités où la demande est forte pour les personnes âgées, telles que la gériatrie ou les soins palliatifs. Ce phénomène est exacerbé par le départ à la retraite de nombreux médecins âgés, qui n’ont pas toujours été remplacés, malgré une mobilisation des médecins retraités actifs, très impliqués dans leur territoires.

Les solutions : DOCNDOC et la répartition des médecins

Face à cette situation préoccupante, des initiatives comme DOCNDOC ont été mises en place pour lutter contre les déserts médicaux. DOCNDOC est un collectif de médecins qui se bat pour une meilleure répartition des professionnels de santé sur le territoire national, avec un objectif particulier : favoriser l’installation de jeunes médecins dans les zones sous-dotées. Ce collectif met en lumière plusieurs leviers pour rétablir l’équilibre et répondre à la fois aux besoins des patients âgés et aux défis rencontrés par les médecins.

Les incitations financières et les contrats incitatifs

Les gouvernements ont mis en place plusieurs dispositifs incitatifs pour encourager les jeunes médecins à s’installer dans les territoires en tension. Parmi eux, les contrats d’engagement de service public (CESP) ou les bourses d’étude pour les médecins comme sur le territoire des Savoir-Faire en Haute-Marne qui s’engagent à exercer dans des zones sous-dotées. Des initiatives comme DOCNDOC s’appuient sur un modèle plus flexible, permettant aux médecins d’être mieux accompagnés et soutenus dans leur projet d’installation.

Le recours à la télémédecine

La télémédecine a également émergé comme une solution à la problématique des déserts médicaux. Avec la pandémie de Covid-19, l’utilisation de la télémédecine s’est largement accélérée, permettant aux patients, y compris les personnes âgées, de bénéficier de consultations médicales à distance. Une bonne connexion et un rapide apprentissage permettent d’appréhender facilement ces nouveaux outils. DOCNDOC soutient ce modèle en encourageant la digitalisation des soins pour pallier l’absence de médecins généralistes dans certaines régions. Si cette solution ne remplace pas totalement la présence physique d’un praticien, elle permet néanmoins d’améliorer l’accès aux soins pour une population vieillissante souvent isolée.

Le soutien aux maisons de santé pluriprofessionnelles MSP et aux CPTS

Les maisons de santé sont un outil d’exercice coordonné utilisé pour faire face à la désertification médicale. Ces structures collectives permettent aux médecins, mais aussi aux paramédicaux, d’exercer dans un même lieu, offrant ainsi une prise en charge complète des patients, y compris ceux qui ont des besoins spécifiques en raison de leur âge. DOCNDOC encourage la création de ces maisons de santé et soutient les initiatives qui visent à intégrer des jeunes médecins dans ces structures.

Un défi complexe, mais des solutions concrètes

Les déserts médicaux et la population vieillissante sont des problématiques indissociables. Le vieillissement démographique entraîne un besoin accru de soins de santé, mais aussi des défis d’attractivité pour les jeunes médecins. L’absence de médecins dans certaines régions ne découle pas uniquement du vieillissement de la population, mais également des conditions d’exercice moins attractives dans ces zones et qui méritent de faire une place au bien être de vie dans ces territoires  en communiquant plus sur leur attractivité et leur dynamisme de vie.

DOCNDOC milite pour une meilleure répartition des professionnels de santé, ainsi que les solutions telles que la télémédecine et les maisons de santé, montrent qu’il existe des pistes concrètes pour améliorer l’accès aux soins dans les zones rurales et répondre aux besoins croissants des personnes âgées. Cependant, ces solutions doivent être renforcées et accompagnées de mesures à long terme pour éviter que la fracture territoriale en matière de santé ne se creuse davantage.

En somme, il ne s’agit pas seulement d’une question de manque d’attractivité des zones rurales, mais aussi d’une révision globale de la manière dont les médecins sont formés, recrutés, et soutenus dans leurs installations. La répartition des médecins doit devenir une priorité nationale, si l’on veut garantir un accès équitable aux soins, y compris pour les populations les plus vulnérables, comme les personnes âgées.

Pascale Karila-Cohen

Dr Pascale Karila-Cohen, radiologue hospitalière, entrepreneuse engagée, fondatrice de docndoc.fr. Collectifs de professionnels de santé luttant contre les déserts médicaux depuis 2016.

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