Élections américaines et HLTH 2024 : 7 enjeux clés qui façonneront l’avenir de la healthtech mondiale

Cet article s’inspire des observations perspicaces de Katie Adams, journaliste chevronnée de MedCity News, qui a couvert la conférence HLTH 2024 à Las Vegas. Ses réflexions offrent un aperçu précieux des tendances qui façonnent l’industrie de la santé, particulièrement pertinentes à l’approche des élections américaines qui auront sans doute un impact significatif sur le marché mondial de la healthtech.

L’IA : un outil à double tranchant pour l’équité en santé

Robert Califf, commissaire de la FDA, a exprimé de vives inquiétudes quant à l’utilisation actuelle de l’intelligence artificielle (IA) dans le système de santé américain. Selon lui, l’IA pourrait aggraver les disparités en matière de santé plutôt que les réduire.

« Je suis très préoccupé par le fait que les systèmes de santé utilisent l’IA principalement pour séparer les patients rentables de ceux qui ne le sont pas. Cela semble être la principale utilisation de l’IA dans le système de santé américain actuellement », a-t-il déclaré.

Califf a souligné la nécessité d’utiliser l’IA pour améliorer la situation des personnes actuellement défavorisées, plutôt que d’exacerber les inégalités existantes. Cette mise en garde souligne l’importance d’une approche éthique et équitable dans le déploiement des technologies d’IA en santé.

Cette préoccupation fait écho aux débats en France sur l’utilisation éthique de l’IA en santé, où le système de sécurité sociale universelle cherche à garantir un accès équitable aux soins. Les élections américaines de 2024 pourraient influencer significativement la régulation de l’IA dans le secteur de la santé, avec des répercussions potentielles sur les politiques internationales, y compris en France.

La santé n’est pas un commerce de détail : l’avertissement aux géants de la distribution

John Couris, PDG de l’hôpital général de Tampa, a mis en garde les entreprises de vente au détail qui tentent de pénétrer le marché des soins primaires. Il a souligné la complexité de l’économie des soins de santé, qui ne peut être abordée avec une simple approche de vente au détail.

« Vous ne pouvez pas simplement prendre un modèle du secteur de la vente au détail et l’appliquer dans le domaine des soins de santé – car la prestation de soins de santé n’est pas une activité de vente au détail. Nous sommes principalement des grossistes en soins de santé – nous ne fonctionnons pas selon les mêmes principes », a expliqué Couris.

Cette perspective met en lumière les défis auxquels sont confrontées les entreprises de vente au détail comme Walgreens, qui ont tenté de diversifier leurs activités dans le domaine des soins primaires. Le récent changement de stratégie de Walgreens, se recentrant sur son activité principale de pharmacie, illustre bien cette réalité.

Cette perspective contraste avec la situation en France, où le système de santé public reste prédominant, limitant l’entrée des acteurs de la grande distribution dans les soins primaires. Cependant, avec les défis croissants du système de santé français, notamment les déserts médicaux, de nouveaux modèles de prestation de soins pourraient émerger, inspirés par les expériences américaines tout en s’adaptant au contexte français.

L’impact économique inattendu des lois strictes sur l’avortement

Un panel modéré par Arundhati Parmar, rédactrice en chef de MedCity News, a exploré les conséquences économiques inattendues des lois strictes sur l’avortement. Dr. Irene Agostini, médecin urgentiste à l’Université du Nouveau-Mexique, a révélé que son hôpital a lancé une campagne de recrutement ciblant spécifiquement les médecins du Texas, où les lois sur l’avortement sont plus restrictives.

« Nous recrutons littéralement des médecins [via] de grands panneaux d’affichage sur l’autoroute pour qu’ils viennent au Nouveau-Mexique », a déclaré Dr. Agostini.

Cette situation met en évidence les implications économiques et politiques complexes des politiques de santé reproductive. De plus, des données de l’Association of American Medical Colleges montrent une baisse significative des candidatures aux résidences en obstétrique et gynécologie dans les États ayant interdit l’avortement, soulignant l’impact potentiel à long terme sur la main-d’œuvre médicale dans ces régions.

Bien que la France ait une approche différente en matière de droits reproductifs, cette situation souligne l’importance des politiques de santé dans la rétention et l’attraction des professionnels de santé. Les résultats des élections américaines pourraient avoir un impact significatif sur ces politiques, influençant potentiellement les tendances mondiales en matière de santé reproductive et de migration des professionnels de santé.

La rationalisation du paysage des investissements en santé numérique

Andrew Adams, co-fondateur et associé directeur d’Oak HC/FT, a souligné un changement important dans le paysage des investissements en santé numérique. Selon lui, de nombreux investisseurs ont réalisé qu’ils avaient soutenu des produits plutôt que des entreprises viables.

« Je pense définitivement qu’il y a eu beaucoup de rationalisation cette année. [Les investisseurs] sont arrivés à la conclusion que les choses qu’ils avaient soutenues étaient des produits, pas des entreprises », a expliqué Adams.

Cette prise de conscience a conduit à une approche plus prudente et sélective des investissements, marquant la fin de l’ère des valorisations gonflées et du rythme frénétique de financement observé en 2021 et 2022.

Cette tendance à la rationalisation des investissements pourrait se répercuter sur le marché français de la healthtech, influençant les stratégies des startups et des investisseurs locaux. Les élections américaines de 2024 pourraient également influencer le climat d’investissement global dans la healthtech, avec des implications potentielles pour les entreprises françaises cherchant des financements ou des partenariats internationaux.

La santé comme industrie de service à la clientèle

Sven Gierlinger, directeur de l’expérience chez Northwell Health, a mis en avant une perspective cruciale : considérer les patients comme des clients. Cette approche, centrée sur le service à la clientèle, est au cœur de la stratégie organisationnelle de Northwell Health.

« Nous faisons comprendre à tout le monde que le patient est notre client, que nous répondons à ses besoins et que nous dépendons d’eux autant qu’ils dépendent de nous – ou peut-être même que nous dépendons d’eux plus qu’ils ne dépendent de nous », a déclaré Gierlinger.

Cette perspective souligne l’importance de placer l’expérience patient au centre des préoccupations dans le secteur de la santé, une approche qui n’est pas encore largement adoptée.

Cette approche contraste avec le système de santé français, traditionnellement plus axé sur le service public. Cependant, avec les défis croissants du système de santé français, notamment en termes d’accès aux soins et de satisfaction des patients, cette perspective pourrait inspirer de nouvelles approches pour améliorer l’expérience patient en France.

Les stratégies de valorisation des startups healthtech

Abby Miller Levy, associée gérante chez Primetime Partners, a prédit que les stratégies de valorisation dans le domaine de la santé numérique resteraient probablement peu attractives en 2025. Elle a cependant noté que les sociétés de capital-investissement pourraient commencer à acquérir davantage d’entreprises de santé.

« Je suis plus optimiste quant à une valorisation par le capital-investissement parmi toutes les voies possibles », a déclaré Miller Levy.

Cette perspective souligne les défis persistants auxquels sont confrontées les startups de santé numérique en termes de valorisation et de stratégies de monétisation dans le contexte économique actuel. Cette analyse est particulièrement pertinente pour l’écosystème français de la healthtech, qui cherche à se positionner sur la scène internationale. Les résultats des élections américaines pourraient influencer les politiques de santé et d’innovation, affectant potentiellement les opportunités de valorisation pour les startups françaises visant le marché américain.

Repenser l’IA au-delà du buzz

Michael Meucci, PDG d’Arcadia, a souligné la nécessité de dépasser le battage médiatique autour de l’IA et de la considérer comme un outil concret pour transformer les soins de santé.

« Nous devons arrêter d’utiliser l’IA comme un mot à la mode et commencer à la définir pour ce qu’elle est – un outil qui peut transformer les soins de santé, éliminer les inefficacités et nous aider à répondre aux besoins et aux attentes des patients en tant que consommateurs de soins », a déclaré Meucci.

Il a exprimé sa conviction que l’IA peut reléguer les dossiers de santé électroniques au second plan, devenant le copilote nécessaire pour autonomiser les médecins, améliorer les résultats des patients et créer un système qui fonctionne enfin pour tous.

Cette perspective résonne particulièrement en France, où le gouvernement a récemment lancé des initiatives pour promouvoir l’utilisation de l’IA en santé, tout en veillant à son déploiement éthique et équitable.

La conférence HLTH 2024 a mis en lumière les défis complexes et les opportunités passionnantes qui façonnent l’avenir des soins de santé. Des préoccupations concernant l’équité en matière de santé et l’utilisation éthique de l’IA aux changements dans le paysage des investissements et l’importance croissante de l’expérience patient, ces perspectives offrent un aperçu précieux des tendances qui définiront l’industrie de la santé dans les années à venir.

Alors que les États-Unis se préparent pour les élections, les décisions politiques qui en découleront auront sans doute un impact significatif sur le marché mondial de la healthtech, y compris en France. Les acteurs français de la santé et de la technologie devront rester attentifs à ces développements, tout en adaptant les innovations et les approches au contexte unique du système de santé français. L’équilibre entre innovation, équité et qualité des soins restera un défi majeur, tant aux États-Unis qu’en France, dans les années à venir. Il est clair que l’innovation, l’adaptabilité et un focus constant sur les besoins des patients seront essentiels pour naviguer avec succès dans ce paysage en mutation.